Littérature, cinéma, voyages...
Il y a quelques semaines j’ai eu le plaisir d’assister à un magnifique spectacle jeunesse.
Ah ! Anabelle, d’après le texte de Catherine Anne écrit pour le jeune public et publié à L’Ecole des Loisirs – 1995.
Par la Compagnie Grizzli Philibert Tambour ( http://www.theatre-grizzli.fr/index.php)
Mise en scène : Christophe SAUVION
Comédiens : Odile BOUVAIS / Nicole TURPIN / Jean-Claude GAUTHIER
Louis Beaugosse est heureux. C’est le jour de son mariage. Il a rendez-vous chez Anabelle : c’est aujourd’hui qu’il la conduit devant monsieur le Maire.
Anabelle n’est pas là… Mais ses deux sœurs, que Louis ne connaissait pas, oui…
Elles sont laides, vraiment laides, et bizarres, très bizarres.
Louis est paniqué.
Les sœurs d’Anabelle le dévorent des yeux…
Agathe et Anastasie n’aiment pas les prétendants de leur jeune sœur. Tous les précédents ont subi le même sort entre leurs mains…
C’est parce qu’Anabelle a découvert le terrible secret que ses sœurs l’ont enfermée et lui ont donné à boire une fiole mystérieuse.
Pour Agathe et Anastasie, Anabelle n’existe plus. Ce nouveau prétendant se révèle donc bien embarrassant ; il n’y a plus de raison de le faire disparaître.
Pris entre les griffes acérées des deux ogresses, Louis Beaugosse parviendra-t-il à sa quête amoureuse ?
Sur scène, on découvre un grand fauteuil, seul élément de décor, utilisé tour à tour comme cage ou comme siège, et des panneaux – sortes de paravents qu’on devine articulés et qui serviront à situer des espaces différents – ils s’ouvriront, se refermeront, enfermeront, libèreront, au gré du récit.
Dès le début, ils servent également d’écran et annoncent, comme sur un écran de cinéma, la situation. Sur un on lit « L’air sent la cannelle », sur un autre « Un carillon retentit ».
L’ambiance est posée, on nous attrape et on nous entraîne chez Murnau ou Fritz Lang.
Nombre des éléments de l’expressionnisme allemand y sont : un décor en noir et blanc - des écrans avec cartons qui évoquent le cinéma muet et qui proposent ici et là des jeux d’ombres - des lumières qui font ressortir l’étrangeté des personnages et l’atmosphère étouffante de ce lieu où les deux ogresses resserrent leur étau autour ce pauvre Louis - un maquillage et un jeu d’acteurs qui forcent les traits, les mimiques et l’expressivité des corps jusqu’à faire basculer les personnages dans le fantastique.
Si les adultes jubilaient de reconnaître toutes ces références, les enfants dans la salle étaient eux aussi aux anges ! Ravis de l’intrigue qui suit la structure traditionnelle du conte, ravis aussi du comique des mots et des situations.
Anastasie
Vous êtes demeuré ?
Louis
Non, non, j’arrive à l’instant
Dès le début, les dialogues fusent, le rythme ne laisse pas de répit.
ANASTASIE
Vous êtes ?
LOUIS
Beaugosse
ANASTASIE
Beaugosse ?
AGATHE
Lui ?
LOUIS
Oui ! Louis.
LOUIS
Anabelle a des sœurs ! Les sœurs ce serait vous ? Mais... Pas possible... Anabelle est si belle et vous êtes...
AGATHE
Agathe !
ANASTASIE
Anastasie !
Les enfants rient à la fois de retrouver les héros des contes populaires qu'ils connaissent bien mais aussi à la découverte du détournement qu'en fait Catherine Anne.
Dans les personnages des ogresses, ils retrouvent les sœurs de Cendrillon, jalouses de la beauté de la plus jeune – Anabelle, dont nous ne connaissons que ce que Beaugosse en dit, et dont nous ne voyons que la frêle silhouette en ombre chinoise et une paire de chaussures rouges. Ces deux horribles sœurs sont tour à tour Barbe Bleue, et l’ogresse de Hansel et Gretel, tandis que Louis se retrouve dans la position du Petit Chaperon rouge traqué par ces horribles personnages, voire dans le rôle de Hansel et de Gretel.
Anastasie
Je vais le faire revenir.
Agathe
Tu crois ?
Anastasie
A feu doux !
Agathe
Oh non !
Anastasie
Avec des oignons coupés en tout petits morceaux, minuscules.
Agathe
Avec une pincée de gingembre
Anastasie
Hum ! Je mangerai sa fesse gauche avec un plaisir !
C’est cruel, mais tellement drôle ! Et comme souvent dans les spectacles jeunesse, les rires des plus jeunes ne se font pas toujours entendre au même moment que celui des adultes, chacun y trouve son compte.
Une mise en scène rythmée et dynamique qui tout en restant fidèle au texte apporte un plus en l’ancrant dans une esthétique cinématographique et picturale particulière. Le tout porté par trois acteurs absolument magnifiques.
Un spectacle qui sait intéresser les jeunes et les moins jeunes en faisant appel à l’intelligence de chacun. C'est jubilatoire. Un vrai coup de coeur pour le texte et pour ce spectacle !
La compagnie Grizzli Philibert Tambour est installée en Vendée et ne tourne pas forcément dans votre région, mais si vous êtes de la région Pays-de-Loire, soyez à l’affût de ce petit bijou. Et si vos pas vous mènent vers le festival d’Avignon cet été, vous pourrez les voir tous les jours pendant toute la durée du festival. Ne vous privez pas de ce petit moment (50 minutes) de bonheur visuel et verbal à partir de 6-7 ans jusqu’à….
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