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La Compagnie des spectres
d'après le roman de Lydie Salvayre
Au théâtre de la Gaité Montparnasse.
Une petite scène.
Une marionnette géante assise dans ce qui semble un petit appartement envahi de meubles et d'objets tous plus bancales et moches les uns que les autres.
Soudain, la marionnette s'anime, le masque et les vêtements tombent et une femme apparaît dans une petite robe à fleurs, style années 40-50.
Alors commence un long récit où s'entremêlent les personnages (Louisiane, la fille, la mère qui perd la tête , la grand-mère, Pétain, Darnand et bien d'autres), les époques (aujourd'hui et l'Occupation), l'histoire familiale et l'Histoire.
Louisiane et sa mère ont une routine bien établie, et vivent quasi recluses. Mais un jour un huissier sonne à la porte et vient faire l'inventaire de ce pauvre appartement.
Bien malgré lui, il va déclencher une peur panique de la mère qui le prend pour un envoyé du collaborateur Darnand. Louisiane tente d'expliquer la raison du comportement de sa mère et retrace l'histoire familiale, le frère torturé et mort sous les coups, la mère humiliée, les vies brisées.
Cette mère est recluse dans le passé depuis plus de 60 ans, elle a fait de sa fille le réceptacle de sa folie et elles vivent toutes les deux en compagnies des spectres de l'Histoire.
Dit comme ça, ce n'est pas franchement attrayant, Et pourtant !
Je dois avouer que j'ai mis quelques minutes à entrer dans le spectacle, parce que le personnage fait un récit, dans une langue certes fluide et belle, mais comme si elle nous contait une histoire, au passé simple. Mais rapidement, je me suis laissé emporter par cette langue, par le texte et surtout par l'interprétation de Zabou Breitman.
Elle a adapté le texte de Lydie Salvayre qui n'était pas fait pour le théâtre, l'a mis en scène, et s'est approprié tous les rôles, femmes et hommes.
Grâce à l'énergie de l'actrice, à la finesse et à la précision de son jeu, jamais nous n'avons été perdus. Nous savions toujours qui parlait et quelle époque était évoquée.
Je vous l'ai déjà dit, j'aime cette actrice que ce soit au cinéma ou au théâtre. Elle porte ses personnages avec grâce, toujours avec subtilité, et ne force jamais les émotions.
La mise en scène est parfois surprenante, notamment la scène où à travers une danse avec une marionnette à taille humaine de Pétain, elle fait ressortir le cynisme , la cruauté et l'obscénité de l'époque et de l'homme.
Cette pièce sera jouée début mars à Nice me semble-t-il. Peut-être qu'elle passera aussi dans d'autres régions.
Si ce n'est pas le cas, vous pouvez avoir un petit aperçu en écoutant Le grand entretien sur France Inter.
Pour le challenge En scène chez Eimelle.