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Le Baiser du serpent (The Serpent’s kiss) - film de Philippe Rousselot (1997) avec Ewan McGregor – Greta Scacchi – Pete Postlethwaite – Carmen Chaplin – Richard E. Grant – Musique de Goran Bregovic
Je viens de voir une chose étrange, il faut que je vous en parle. Un film réalisé par un français, avec des acteurs anglais pour la plupart, mais tous de langue anglaise. Toutefois la version dvd n’existe qu’en français. Mais soit ! Ce n’est pas ça le plus étrange.
1699. Thomas Smithers (Pete Postlethwaite), riche industriel anglais veut faire du jardin de sa nouvelle propriété une œuvre d’art. Sa fortune s'est faite grâce à la fabrication des canons, et avec ce jardin hors du commun, il espère bien montrer non seulement qu’il est très riche, mais également qu’il est féru d’art et surtout satisfaire ainsi sa frivole épouse, Juliana (Greta Scacchi).
C’est sur les conseils de James Fitzmaurice (Richard E. Grant), cousin de Juliana, que Smithers fait venir Meneer Chrome (Ewan McGregor). Ce jeune et brillant paysagiste hollandais de grande renommée a pour charge de penser et de réaliser ce jardin. En fait, il s’agit d’un usurpateur. Fitzmaurice, amoureux de sa cousine et jaloux du succès de Smithers, veut ruiner ce dernier et a donné à Meneer Chrome la mission de pousser Smithers à des dépenses qu’il ne pourra pas assumer.
A son arrivée dans cette famille, Meneer Chrome fait la connaissance de Théa, jeune fille fantasque et surprenante. Ses parents ne la comprennent pas, pensent qu’elle se ruine les nerfs en lisant trop, et la font suivre par un médecin aussi ignare que pouvait l’être un médecin de cette époque, ne connaissant que la saignée et les sangsues, et préconisant l’internement .
La vie de cette famille va tourner pendant quelques semaines autour de l’élaboration du jardin. La mise à nu du terrain et la destruction de la nature sauvage provoquent des crises chez Théa, même si Meneer Chrome, tombé sous le charme de la jeune fille a su épargner le petit espace vert dans lequel elle se sent paisible.
Petit à petit, les passions se déchaînent : Meneer Chrome, continue à remplir sa mission, mais le fait de plus en plus en contradiction avec ses sentiments, Smithers ne se sent plus de vanité, Juliana perd la tête devant le jeune Meneer Chrome, Fitzmaurice n’a de cesse de faire céder sa cousine et jubile devant les dépenses monstrueusement élevées que Smithers n’ose refuser. Quant à Théa, considérée comme folle, elle semble bien être la seule personne sensée et honnête dans tout cela.
Le jardin prend forme, mais lors de la présentation de la première étape devant les voisins venus en nombre, le vent se lève, un vent annonciateur de destruction et de malheur. Un vent surnaturel qui semble avoir été convoqué par Théa. Il détruit l’ordonnancement impeccable des allées, les parcelles géométriques, les plantations, les statues pseudo-antiques…tout !
Finalement ruinés, Smithers et Juliana reviendront à des valeurs plus humaines et se rapprocheront l’un de l’autre, et Meneer Chrome, une fois débarrassé de Fitzmaurice, pourra laisser libre cours à ses sentiments pour Théa.
Ce film reprend le thème maintes fois traité de l'Homme contre la Nature. Il n'apporte rien de bien nouveau. Pour des raisons différentes, tous les personnages, à l'exception de Théa, concentrent leur énergie à dompter le chaos d'un jardin laissé à l'abandon. Mais la Nature se rebellera et reviendra à son état d'origine. Elle s'affranchira des chaînes imposées par l'arrogance humaine.
On peut aussi reprocher à ce film de ne pas exploiter mieux le marivaudage entre les personnages, et l'ensemble manque parfois un peu d'énergie.
Alors pourquoi ai-je quand même aimé le film au point de le regarder deux fois d'affilée ?
Difficile à dire, mais je crois que certaines scènes m'ont fascinée. Celles notamment où apparaît la mystérieuse Théa (surprenante Carmen Chaplin). Elle semble détachée du monde réel, semble littéralement lire ceux qu'elle a en face d'elle, et alors que le monde s'agite autour du jardin, elle évolue avec une étrange lenteur en toute situation. Elle est celle qui révèle les autres.
J'ai souvenir aussi d'un film où la reconstitution des costumes, des décors et des ambiances de ce début du XVIIIème est efficace, et certaines scènes sont aussi belles que des tableaux flamands.
Et je pense que l'étrangeté que j'ai ressentie vient beaucoup de la bande originale (malheureusement je n'ai rien trouvé à vous mettre en écoute). Elle est très présente, et presque anachronique, comme pouvait l'être (à mon avis) celle de La Reine Margot de Chéreau. Pas étonnant puisque c'est Goran Bregovic qui officiait dans les deux films.
Ce film a été présenté au festival de Cannes en 1997, mais n'a pas soulevé les foules. C'est sûr que si on le compare à Meurtre dans un jardin anglais de Peter Greenaway ….
Film qui peut voyager, si le cœur vous en dit.