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Le Premier été – Anne Percin
Par une fin d’été, deux sœurs se retrouvent en Haute-Saône, dans la maison de leurs grands-parents où elles ont passé les étés de leur enfance et de leur adolescence. Les grands-parents ne sont plus là, il faut vider la maison. Catherine, la benjamine et narratrice, ne semble pas vouloir garder quoi que ce soit de cette époque. Un souvenir douloureux est apparemment lié à l’été de ses 16 ans.
Les deux sœurs ont été très proches mais quelque chose les a éloignées, ce quelque chose qui hante Catherine depuis des années, qui devient insupportable et qu’elle décide de confier enfin à Angélique dans un long monologue.
Ce secret, nous ne le découvrons qu’à la fin d’un récit magnifique et poignant. Un secret qu’on est bien loin de deviner tant il est amené par des souvenirs somme toute banals.
Dès le début le lecteur sait qu’un drame a eu lieu, que Catherine sait et qu’elle se sent coupable depuis cet été-là. Pourtant Anne Percin ne continue pas sur ce chemin mais commence à poser un décor, crée une atmosphère, et nous entraîne du côté de la nostalgie. Les plus de 30 ans s’y retrouveront forcément dans les évocations des musiques, des émissions télé ou des références vestimentaires .
Qui n’a pas connu aussi les vacances chez les grands-parents à la campagne, la cueillette des haricots verts à la fraîche le matin, les étés écrasants de chaleur, la langueur qui accompagne les chauds après-midis, la lecture de magazines pour ados, le hit-parade ?
On pourrait croire qu’il ne se passe rien, mais l’auteur prend le temps d’installer les conditions pour que le drame arrive, un drame dont tous, à l’exception de Catherine, semblent avoir été des témoins aveugles.
Catherine suit sa sœur partout, elle vit dans son ombre, l’admire. Angélique est jolie, à l’aise dans toutes les situations, suscite la convoitise des garçons du village et de la colo. Catherine elle, est différente. Elle préfère la solitude, la lecture de romans dans le grenier. Elle n’est pas très à l’aise quand il faut danser ou dans les jeux organisés avec ceux de la colo. Elle se sent toujours en décalage, que ce soit dans ses goûts musicaux , ses lectures ou ses vêtements. Les garçons ne l’intéressent pas vraiment non plus. Jusqu’au jour où lors d’une promenade par une chaleur caniculaire, elle rencontre un garçon dont le corps nu, d’une beauté éblouissante, lui fait éprouver des sensations jusque-là inconnues.
Ces sensations, elle ne pourra pas en parler, encore moins de ce qui se passera par la suite.
De nostalgique, le récit va alors devenir de plus en plus douloureux. La douleur, la culpabilité et le remords vont prendre le dessus, et Catherine vit avec ce poids depuis plus de quinze ans, depuis le jour où elle s’est laissé aller à se comporter comme les autres.
Anne Percin, encore une fois parle avec justesse de l’adolescence (mais rien à voir ici avec les tourments de son grand dadais de Maxime dans Comment (bien) rater ses vacances).
D’une écriture apparemment simple, elle décrit avec la même précision la campagne, les effets de la chaleur, les odeurs ou les tourments ou l’inconséquence de l’adolescence.
Tout est sensuel, charnel. Les passages sur la découverte du désir, du plaisir, de son corps et de celui de l’autre sont magnifiques de poésie, à la fois pudiques et sans détour.
Cette histoire de deux vies fracassées, de la perte de l’innocence, est tout simplement bouleversante, dérangeante et hante encore longtemps après avoir tourné la dernière page.
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