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La similitude entre deux oeuvres est parfois surprenante. C'est le cas avec ce film et le roman de Virginie Ollagnier, Toutes ces vies qu'on abandonne.
Les Fragments d’Antonin – film de Gabriel Le Bomin – 2005 – avec Grégori Dérangère - Aurélien Recoing - Anouk Grinberg
Synopsis :
Cinq prénoms inlassablement répétés. Cinq gestes obsessionnels. Cinq moments de guerre. Antonin est revenu des combats sans blessure apparente. La sienne est intime, intérieure, enfouie.
Nous sommes en 1919 et le professeur Labrousse, pionnier dans le traitement des chocs traumatiques de guerre se passionne pour son cas. Sa méthode, nouvelle et controversée, doit lui faire revivre les moments les plus intenses de sa guerre afin de l’en libérer.
Comme dans Toutes ces vies qu’on abandonne, le film montre le travail d’un médecin (Aurélien Recoing, parfait) qui s'intéresse plus aux chocs traumatiques qu'aux blessures corporelles.
Il s’attache au cas d’Antonin, revenu brisé des tranchées. Ce dernier est muré à l’intérieur de lui-même et ne cesse de revivre les horreurs vues et subies.
Entre le roman et le film, les liens sont étonnants. Les deux finissaient par se mélanger dans mon esprit, d’autant plus que – est-ce le hasard ? - j’ai vu le film quelques semaines seulement avant d'avoir lu le roman.
Même thème : les blessures invisibles.
Mêmes traumatismes et mêmes effets - mutisme, esprit enfermé dans un cauchemar et le corps refuse de revenir à la vie.
Même prise en charge par un médecin psychiatre qui prend en compte les effets de l’esprit sur le corps.
Comme dans le roman, la place du toucher est essentielle pour être à nouveau en contact avec ce monde traumatisant que les soldats voudraient oublier .
Mais plus étonnant, même structure. Dans le roman les séances de massage déclenchaient des souvenirs auxquels seul le soldat et le lecteur avaient accès. Dans le film, les sons, les images auxquels le médecin fait se confronter Antonin, lui font revivre des épisodes traumatisants, et chacun de ses sursauts amène un flash-back qui permet au spectateur de compléter le puzzle.
Dans les deux cas, on assiste par bribe à la reconstruction d’une vie, d’un parcours et donc d’un homme.
Les Fragments d’Antonin ne donne pas dans le spectaculaire. Les scènes de souvenirs dans les tranchées ne montrent que des hommes, filmés au plus près, souvent en gros plans, des visages, des regards…et ça suffit pour comprendre l’ennui, la peur, l’épuisement, l’incompréhension, la révolte, le dégoût. Il y a peu de dialogues, juste ce qu’il faut. Les acteurs sont tous d’une grande sobriété, les silences sont émouvants. Les discours sont inutiles.
Gabriel Le Bomin, a réalisé plusieurs documentaires sur les traumatismes de guerre. Il signe là un premier long métrage de fiction efficace et très émouvant.