Littérature, cinéma, voyages...
Lecture commune avec Lystig
Magnus – Sylvie Germain (Goncourt des lycéens 2005)
Quatrième de couverture
[…] Franz-Georg, le héros de Magnus, est né avant la guerre en Allemagne. De son enfance, il ne lui reste aucun souvenir, sa mémoire est aussi vide qu'au jour de sa naissance. Il faut tout réapprendre, ou plutôt désapprendre ce passé qu'on a raconté et dont le seul témoin est un ours en peluche à l'oreille roussie: Magnus."
Magnus est un roman sur la construction de l’identité, un puzzle dont il faut réorganiser les pièces. Nous suivons les errements du héros à travers ses différentes identités et ses différentes vies, sa personnalité est fragmentée, comme l’est le roman fait de courts chapitres, des fragments séparés par des échos, des séquences, des résonances et des notules, des poèmes, des chansons, des extraits de romans, de biographies.
Franz-Georg a perdu la mémoire lorsqu’il avait cinq ans, à Berlin, pendant la guerre. Sa mère tente de combler ces cinq années d’oubli en lui racontant son histoire, et en lui fabriquant des souvenirs. Son père n’est pas souvent là, homme très occupé par son métier de médecin auprès de milliers de patients venant en train de toute l’Europe pour se faire soigner. Malgré tout, la présence de cet homme est forte, surtout par sa voix, une voix de ténor, une voix magnifique qui jouera un rôle important dans la vie de Franz-Georg.
La famille est toute dévouée à la Grande Allemagne, mais devra fuir lorsque l’Histoire prendra un autre tournant pour eux. Le père parti au Mexique, la mère mourante confie le petit à son frère installé en Angleterre.
Commence alors une vie d’errance pour Franz-Georg, qui pour des raisons de sécurité devra changer de nom. Il choisira Adam – premier homme, nouvel homme.
Amputé de cinq années de son enfance, plein de souvenirs qui n’en sont pas, il découvrira qu’il n’est pas celui qu’on lui a dit, que ses parents ne sont pas ce qu’ils prétendaient être, mais il ne sait toujours pas qui il est, quel est son véritable nom, ni quelle est son histoire. Quant il découvrira qu’il n’a rien à voir avec ses « parents », il finira par prendre le nom de Magnus, nom de son ours en peluche, seul vestige de son enfance oubliée et seule réalité à laquelle il peut se rattacher.
Il voyagera, de Londres au Mexique sur les traces de son « père ». Mais il ne trouvera rien et finira par passer quelques années auprès de May aux Etats-Unis où son désir de retrouver la mémoire fera place à l’envie de tout oublier. Plus tard, à Vienne, avec Peggy, les anciens démons referont surface de façon étonnante, lui coûtant la femme qu’il aime.
Il s’exilera alors en France où il tentera d’oublier, jusqu’à s’oublier lui-même.
Il aura fallu tous ces voyages, toutes ces rencontres, toutes ces pertes, pour qu’il finisse enfin par devenir qui il est vraiment. Il n’est plus le fils de parents perdus, ni le faux fils de parents qui lui ont fabriqué une fausse histoire. Grâce à un moine et comme dans un conte, Magnus finira simplement par … « devenir ».
Magnus a dû se déconstruire morceau par morceau, souvent dans la souffrance, pour non pas se reconstruire, mais se trouver.
Plus qu’à la recherche d’une mémoire, ou à la reconstruction des souvenirs, Sylvie Germain nous fait assister à la construction d’une personne qui découvre son humanité parce qu’elle a enfin accepté d’écouter la voix du souffleur qui est en elle : D’un éclat de météorite, on peut extraire quelques menus secrets concernant l’état originel de l’univers… L’immémorial est pailleté de traces, infimes et têtues … Quant aux blancs, aux creux, aux échos, aux franges, cela fait partie de toute écriture, car de toute mémoire. Et ce silence n’est ni pur ni paisible, une rumeur y chuchote tout bas, continûment. En chacun, la voix d’un souffleur murmure en sourdine, incognito voix apocryphe qui peut apporter des nouvelles insoupçonnées du monde, des autres et de soi-même, pour peu qu’on tende l’oreille.
L’auteur donne à lire une très belle histoire portée par une écriture exigeante et poétique. On finit aussi par entendre la voix du souffleur qui est en Magnus, on y entend aussi les silences, magnifiques.
2ème participation au challenge Goncourt des lycéens chez Enna