Littérature, cinéma, voyages...
Mygale – Thierry Jonquet
Avant d'aller voir le dernier Almodovar (La Piel que habito), j'ai voulu lire le roman dont s'était inspiré le cinéaste.
Tout au long de la lecture de ce court roman, je me disais qu'il n'y avait qu'un esprit aussi tordu et talentueux que celui d’Almodovar, pour s’emparer de cette histoire.
C'est noir, très noir. Dérangeant et malsain. Et pourtant on ne peut lâcher le roman avant la dernière ligne.
Jonquet plonge le lecteur dans trois histoires qui n'ont apparemment rien de commun. Mais on sait bien qu’il y a forcément un lien, alors on avance dans la lecture, avide de comprendre ce qui peut relier Richard et Ève à Alex et Vincent.
Richard est un brillant chirurgien plastique. On l'admire aussi pour la magnifique Ève qu'il exhibe à son bras. Un couple parfait ? Pas vraiment. En réalité Richard séquestre Ève, la maltraite, la force à se prostituer de la manière la plus dégradante et il se délecte de ce spectacle.
Alex a braqué une banque et l'affaire a mal tourné. Il a tué un policier, a été blessé et son visage a été filmé par les caméras de surveillance. Il doit se cacher et réfléchir à la façon de se sortir de cette situation. Oui, mais comment ?
Alors qu'il est à moto, Vincent est pris en chasse par un véhicule et kidnappé par un homme qui va le séquestrer dans l'isolement le plus total, le réduire à l’état d’animal, le rendre complètement dépendant de lui : Mygale, comme l’a surnommé Vincent. Pourquoi cet homme le retient-il prisonnier ? Il doit y avoir une erreur…
Petit à petit le puzzle se construit et nous révèle l’image cauchemardesque d’une folie qui lie les quatre personnages. C’est machiavélique !
Difficile d’en dire plus sans en dire trop.
L’histoire elle-même est assez édifiante. Si mes hypothèses m’ont amenée finalement pas si loin de la vérité, je ne voulais pas vraiment y croire malgré tout - c’était trop tordu, trop incroyable, et surtout, je ne comprenais pas quelle était la motivation du tortionnaire vis-à-vis de Vincent et de Eve.
Mais ce qui est surtout fascinant dans ce roman c’est la façon dont Jonquet décortique la psychologie de ses personnages, que ce soit la relation à la fois de soumission et de révolte de Eve face à Richard, la lente métamorphose de Vincent, ou les motivations de Richard.
Les interrogations de Vincent lors de sa captivité, sa détresse, sa déchéance et sa soumission sont d’une telle précision et d’une telle justesse, que la lecture de cette partie a été pour moi physiquement éprouvante.
En peu de phrases la situation est posée, c’est glauque, c’est effrayant, ça fait mal parce qu’on ne peut pas s’échapper, tout comme les personnages. On voudrait détourner les yeux, en finir avec la souffrance de ces quatre-là, mais c’est impossible : on est pris dans la toile de la Mygale et on reste à la fin avec un terrible sentiment de malaise et de dégoût.
Il y a longtemps que je n’avais pas lu un roman noir aussi percutant et qui ne laisse pas de répit, même longtemps après l’avoir refermé.