Les épisodes précédents m’ont coupé le souffle. J’imagine à peine ce qu’il en est pour notre héroïne. Ou plutôt si, j’aurais bien voulu savoir ce qu’elle pouvait éprouver dans une situation aussi incongrue. Je vous propose donc un voyage rapide « inside » pour notre Cathy-Rose, sans oublier d’intégrer les mots proposés par Sharon (fidélité, espérance, sanguinaire, plume).
Cathy sursauta. Une angoisse telle qu’elle n’avait jamais connue, même au plus fort de sa détresse à l’orphelinat, lui vrilla les entrailles. Le mépris et la haine dans la voix de Sylphide et la force incroyable avec laquelle elle lui avait jeté la question avait fait s’évanouir toute l’apparente assurance qu’elle avait manifestée jusqu’alors. C’est sûr, ils s’étaient tous trompés , ce n'était pas elle la descendante d’Ulrich le sanguinaire, mais plutôt cette furie en latex rouge ! Elle sentait bien l’urgence de la situation mais elle était comme pétrifiée, sa gorge refusait de laisser passer aucun son, et ses yeux affolés allaient des uns aux autres, sans vraiment les voir, et sans qu’elle puisse exercer aucun contrôle ni sur ses globes oculaires ni sur son cerveau en effervescence.
Mais de quoi parlaient-ils tous à la fin ? De destin elle n’en avait pas, si ce n’est d’aller chaque jour gagner un salaire de misère au centre d’aides sociales jusqu’à une lointaine et de plus en plus hypothétique retraite !
Elle n’était pas Wonder Woman et n’avait aucun pouvoir. Elle aurait beau prendre des cours de génie électrique pendant des siècles, jamais elle ne serait capable de faire scintiller la lumière autour d’elle - à part peut-être avec le séchoir à cheveux allumé dans son bain !
A l’évocation de la prouesse de Dominique - le seul fait d’y penser lui faisait vibrer de nouveau les entrailles, mais pas de peur cette fois-ci… - elle sentit tout son sang affluer vers son cerveau à Mach 10 au moins. Son regard accrocha justement la silhouette imposante du jeune homme, il était là, tout près d’elle, et … mais … ses … Il faudrait qu’on lui explique un jour comment tous ces types pouvaient aussi rapidement déchiqueter leur garde-robe, aller sauver le monde dans des collants ridicules ou éclairer les vieux châteaux dans le plus simple appareil 100 000 volts, et revenir comme si de rien n'était, tous raccommodés au petit point invisible, le brushing impeccable…
Elle avait mal à la tête…son cerveau était en ébullition…« Au pays de Cathy, il y a des papillons… ». Ce n’était vraiment pas le moment de chanter, qui se permettait ? Elle ??? C’était une certitude maintenant , elle était folle…
Reine des papillons, tu parles ! Il lui suffisait de se comparer au petit 36 et aux 1m20 de jambes de Sylphide pour se rendre compte que si elle avait hérité d’un tant soit peu de gènes d’insectes, elle appartenait plus sûrement à la famille de Maya l’abeille !
Oh … ce mal de tête … toutes ces pensées qu’elle n’arrivait pas à canaliser…
Et si c’était vrai ? Après tout sa seule distraction pendant son enfance solitaire était l’observation des papillons. Elle disait à qui voulait l’entendre qu’elle voulait devenir « insectologue » ! Elle aimait toutes les bêtes en fait, sauf les bêtes à plume, celles-là, elle les avait en horreur, mais les papillons, oui. Elle avait toujours été fascinée, étrangement attirée par ces êtres fragiles aux couleurs si intenses et délicates à la fois. Ils incarnaient pour elle la perfection, si on excepte ces horribles longs poils sur leur pattes graciles bien sûr. Indépendamment de sa volonté, son regard se porta sur les jambes de Sylphide…
Sa tête n’allait pas résister longtemps à la douleur, ni au bombardement d’images et de pensées, il fallait qu’elle réagisse, qu’elle réponde quelque chose…
Elle les devinait tous, là, silencieux, suspendus à ses lèvres à attendre une réponse à la question de la perfide Sylphide.
Quelle question déjà ? Ah, oui, accomplir son destin. Les sauver tous, mais de quoi ? Des méchants industriels fabricants d'insecticide ? A part leur fournir des masques pour parer aux attaques de Baygon bleu, non, décidément, elle ne voyait pas… A moins qu’ils n’imaginent qu’elle soit capable de concocter un antidote miracle dans son petit bureau, entre la vieille cafetière de la non moins vieille Gisèle et les piles de dossiers en attente…
Ses pensées toutes plus incohérentes les unes que les autres furent interrompues par la voix dans l’ombre.
- Il suffit Sylphide ! Je vous prierai de changer de ton et de vous adresser à notre invitée avec le plus grand respect. N’oubliez pas qui elle est, ni la fidélité que nous avons juré à sa famille.
- Mon enfant, ajouta l’homme pour Cathy avec douceur mais inquiétude, êtes-vous prête à sauver ce peuple qui est le vôtre et qui a mis toute son espérance dans votre retour ?
La soudaine bienveillance dans la voix lui permit de focaliser à nouveau son attention, de chasser toutes les pensées parasites qui l’assaillaient depuis … seulement quelques secondes semblait-il. Sa gorge se dénoua et lentement, très lentement, elle ouvrit les lèvres :
- Vous avez de l’aspirine ? furent les seules paroles cohérentes qu’elle put prononcer.
La roulotte est maintenant entre les mains de Liliba. Je lui propose d’intégrer dans sa prose les mots suivants : sens, crème, araignée, calendrier.
Peinture de Sophie Gengembre Anderson