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Oh, Boy ! - Marie-Aude Murail
Siméon (14 ans), Morgane (8 ans) et Venise (5 ans) n’ont vraiment pas de chance. Leur père a disparu dans la nature et leur mère vient de se suicider en avalant du « canard vécé ». Les services sociaux se penchent sur leur cas, mais il n’est pas facile de caser une fratrie.
Les jeunes Morlevent ont pourtant fait un « jurement », celui de ne jamais être séparés. C’est Siméon - surdoué, il est en terminale à 14 ans – qui suggère une solution à la juge et à l’assistante sociale. Il se souvient que son père a eu d’autres enfants avant eux, qu’il a aussi abandonnés. Ces enfants sont maintenant adultes, il n’y a qu’a leur demander de devenir tuteur, voire même qu'ils les prennent en charge.
La juge retrouve effectivement les deux autres Morlevent, mais l'affaire n’est pas si simple.
Josiane Morlevent, ophtalmologue en mal d’enfant, se verrait bien adopter Venise, petite poupée blonde aux yeux bleus, spontanée, très demandeuse de bisous et grande distributrice de dessins de cœurs quand elle vous aime, ou de diables si vous l’avez énervée ou peinée. Mais les deux autres avec leurs lunettes et leurs oreilles décollées, ça ne la tente pas, Josiane.
Quant à Barthélémy Morlevent, 26 ans, c'est un glandeur de première, instable, égoïste et surtout très « pédésexuel », sauf peut-être quand son regard s’attarde sur les rondeurs et la poitrine généreuse de la juge. Bref, il n’a de toute façon pas vraiment les atouts pour devenir un tuteur responsable. D’ailleurs, il ne veut pas le devenir ! Tout ce qui de près ou de loin ressemble à un problème ou une attitude adulte…il fuit. Mais on ne refuse pas une convocation chez une juge, qui voulant le tester, lui impose les enfants les samedis. Le reste du temps, les jeunes Morlevent vivent dans un foyer en attendant la décision de justice.
Pas facile pour eux, et surtout pour Siméon qui en tant qu’aîné et de surcroît surdoué, se voit obligé d’endosser le rôle d’adulte, alors qu’il n’est toujours qu’un enfant. Un enfant fragile, qui a peur de ce qui se propage sur ses bras. Et il a raison d’avoir peur Siméon, parce qu’il est atteint d’un cancer.
Le roman pourrait glisser vers le sordide, mais c’est sans compter avec le talent et la délicatesse de Marie-Aude Murail. Elle aime ses personnages, elle ne les maltraite jamais vraiment, même quand elle les fait passer par des épreuves aussi douloureuses.
Siméon va devoir affronter la maladie, l’hôpital et les soins qui apportent parfois plus de douleur et de désespoir que la maladie elle-même. La souffrance sera si grande qu’il voudra baisser les bras. Mais il est entouré d’une équipe médicale hors pair et surtout, il y a Barthélémy. L’incroyable, l’unique Bart !
Si au début l’auteur met en jeu l’avenir de ces trois enfants, au fond, c’est plutôt de Bart qu’il s’agit. Les enfants sont là pour l’aider à grandir, à assumer ses responsabilités, à sortir de sa bulle et enfin aller vers les autres.
Bart qui ne lit rien d’autre que Spirou, qui lors des prises de sang de Siméon, requiert plus d‘attention que le pauvre garçon, qui dit à Morgane qu’elle est moche, qui se fiche pas mal de sa jeune voisine qui se fait battre par son mari…un Bart que la vie des autres ne semble qu’effleurer.
Mais c’est bien grâce à ce personnage, ses répliques cinglantes et si drôles, ses bourdes, ses hésitations, ses retours en enfance lorsqu’il joue aux Barbies avec Venise, que le récit est supportable.
C’est bien grâce à lui qu’au cours de cette lecture les larmes se transformaient toujours rapidement en sourire.
J’ai aussi beaucoup aimé le personnage de Venise, petite poupée qui noue et dénoue les situations avec l’innocence et l’intuition de ses 5 ans. Mais celle qui m’a beaucoup touchée tant elle est « vraie », c’est Morgane, tout en retenue, en peur, coincée avec son physique ingrat, entre son frère surdoué et sa sœur vers qui tous les regards convergent. Elle n’existe pas Morgane, elle est transparente aux yeux des autres. Jusque-là , elle s’en accommodait, mais il arrive un moment où elle ne peut plus.
Tout est si juste dans ce roman. Jamais Marie-Aude Murail ne sombre dans le sentimentalisme. Elle ne donne pas non plus dans le « happy end », elle propose simplement à ses personnages un petit arrangement humain, donc loin d’être parfait, avec la vie et l’avenir.
J'ai un aveu à vous faire : grâce à ce roman et à Venise, je sais maintenant des choses, et quelles choses !, sur la vie sexuelle des Barbies, avant et après l'arrivée de Ken...wouaah !
Merci à Asphodèle d’avoir fait voyager cette très sympathique famille. Son avis ici.
Voir aussi , entre autres, l’avis de Sharon et de Lasardine.
Un de plus pour le challenge Littérature jeunesse/Young adult