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Peter Pan – Régis Loisel
Quand j’ai des difficultés à me remettre à la lecture, je replonge avec délice dans quelques BD, et là je me suis vraiment fait plaisir avec la série Peter Pan de Régis Loisel (Londres T1.– Opikanoba T.2 – Tempête T.3 – Main rouge T.4 – Crochet T.5 – Destins T.6)
Je ne vais pas vous raconter les six albums mais je vous invite vraiment à les découvrir tant pour l’histoire que pour l’univers graphique de Loisel.
L’histoire n’est pas comme on pourrait le croire celle racontée par James Matthew Barrie. Loisel s’est demandé qui pouvait bien être Peter avant de devenir Peter Pan, nous avons donc ici en quelque sorte la genèse du personnage.
Le père de Peter est mort. Le jeune garçon vit seul avec sa mère dans le Londres sombre, glauque et sentant la misère du XIXème siècle. C’est aussi le Londres de Jack l’éventreur.
La mère de Peter ne l’aime pas, le laisse un peu à l’abandon, et survit, on le devine, en se prostituant. Pourtant Peter continue à idéaliser sa mère. Il a peu d'amis, si ce n'est Mister Kundal, un vieil homme qui prend soin de lui, le nourrit quand sa mère oublie de le faire, et surtout le nourrit d’histoires et de savoir. Il lui a aussi appris à lire et à écrire. C’est dans le livre d’histoires de la mythologie grecque de son père disparu que Peter va commencer à échapper au quotidien et à la misère, jusqu’à ce qu’une étrange petite fée apparaisse et l’emmène au pays imaginaire.
Elle est chargée par Pan de trouver un sauveur qui protègerait l’île, ses habitants et son trésor, des attaques des pirates. Sur l’île, la vie ne sera pas facile, Peter va y être confronté à de terribles épreuves et va devoir affronter ses peurs, sa haine et ses frustrations.
Au fil des épisodes, Peter révèlera avoir l’âme d’un chef, mais il se montrera aussi fragile et tendre, notamment avec Clochette.
Les personnages ne sont pas lisses, il y a des tensions, des rivalités. Clochette par exemple a un fichu caractère, elle est susceptible, jalouse, boude pour un oui, pour un non, mais elle est fidèle aux habitants de l’île et plus particulièrement à Peter.
Le Peter de Loisel évolue dans un monde cruel, même sur l’île imaginaire. Il est loin de ressembler à l’enfant guilleret et virevoletant de chez Disney.
Dans les six albums qui constituent cette série, on retrouve bien sûr, les éléments principaux de chez Barrie : l’île, les enfants et leur refus de grandir, le trésor, le capitaine Crochet (hou ! qu'il est laid !) et le fameux crocodile.
Mais Loisel a une approche plus réaliste de l’époque, une vision sombre et cruelle. Même l’île n’est pas le paradis des enfants. Quand on est dans cette île on finit par tout oublier du monde réel, même ceux qu’on a aimés.
Au fur et à mesure des épisodes, on apprend aussi comment la fée obtient son nom de Clochette, et comment Peter devient Peter Pan.
Mais je ne peux terminer sans vous parler de l’univers graphique de Loisel – une vraie merveille ! A chaque fois que je le relis, je découvre de nouveaux détails. Les décors sont extraordinaires, que ce soit dans le Londres miséreux ou dans l’île. Quant aux personnages, les trognes londoniennes font frissonner, et les femmes, toutes les femmes, des prostituées aux fées, sont bien en chair et en formes. Clochette est très gironde, vous ne trouvez pas ?
Je suis sûre que vous aussi vous vous régalerez de cette version du mythe de Peter Pan, pas vraiment faite pour les enfants. Réalisme cruel d’une époque, récit d’aventures, poésie de l’enfance, beauté et inventivité graphiques, tout est là pour faire passer un excellent moment de lecture.
Re-lu dans le cadre du Mois anglais
et du challenge Jeunesse/Young adult